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La réhabilitation psychosociale : espoir d’une vie meilleure

24 octobre 2017
La réhabilitation psychosociale : espoir d’une vie meilleure

Le Dr Gilles Vidon, membre du Congrès Français pour la Réhabilitation Psychosociale va plus loin, dans la définition qu’il propose. Au-delà des pratiques spécifiques de ce champ, il pointe : « la participation réelle des malades aux échanges de la société », en resituant la place de l’usager par un « accès à la citoyenneté totale politique, juridique et économique ». Il traite également de la stigmatisation de « la société à l’égard des malades mentaux » en expliquant qu’il est nécessaire de mettre en place des actions de déstigmatisation. Cette définition redonne sa place à l’usager dans la société. Il a un rôle d’acteur de ses soins, une place de citoyen et lutter contre la stigmatisation permet(tra) de réduire la souffrance et les difficultés des usagers face à l’image qu’a la société des personnes souffrant de troubles psychiques.

En France, il existe une difficulté de traduction. Il n’est pas rare d’entendre réadaptation psychosociale, réinsertion psychosociale. En réalité, la réhabilitation psychosociale est l’association de la réadaptation « l’ensemble des mesures ayant pour objet de rendre au malade ses capacités antérieures et d’améliorer sa condition physique et mentale, lui permettant d’occuper par ses moyens propres une place aussi normale que possible dans la société (Organisation Mondiale de la Santé) » et de la réinsertion « processus permettant l’intégration d’une personne au sein du système socio-économique par l’appropriation des normes et règles de ce système ».

Au final, Alain Cochet, psychologue et membre du Congrès Français pour la Réhabilitation Psychosociale, synthétise, dans sa définition,  la réhabilitation psychosociale comme : « ensemble d’un processus de prise en charge du patient, de la crise initiale jusqu’à la reprise de vie la plus « normale possible », c’est-à-dire avec le moins d’intervention des professionnels et le retour au plus proche de l’insertion initiale » en pointant le projet de soin puis le projet de vie de la personne.

Quels sont les grands principes et les valeurs fondatrices de la réhabilitation psychosociale ?

En tant que professionnel, il est nécessaire de connaître les grands principes de la réhabilitation psychosociale afin d’être dans une posture adaptée. Le Docteur Ram Cnaan, de l’université de Pennsylvanie, les a défini en 13 points : « l’utilisation maximale des capacités humaines, les habiletés, l’autodétermination, la normalisation, l’individualisation des besoins et des services, l’engagement des intervenants, la déprofessionnalisation de la relation d’aide, l’intervention précoce, la structuration de l’environnement immédiat et son changement plus large, l’absence de limite à la participation, la valeur du travail, la priorité au social par rapport au médical ».

Au-delà de ces grands principes, la réhabilitation psychosociale s’est fondée sur des valeurs fortes, à savoir : l’intégration réelle de la personne, l’accent mis sur les atouts plutôt que sur la maladie, la préférence donnée aux milieux ordinaires de résidence, de formation et de travail, une place principale laissée aux soutiens familiaux et sociaux, l’implication des bénéficiaires à tous les niveaux d’organisation, une collaboration étroite entre équipe clinique et spécialistes en réhabilitation psychosociale, adoption par les professionnelles d’une vision de rétablissement plutôt que d’une stabilisation.

Les grands principes et les valeurs fondatrices de la réhabilitation psychosociale laissent à l’usager une place importante, une place d’acteur  dans les différentes étapes le guidant vers le rétablissement. Une place est également conservée aux soutiens et notamment aux proches. La notion d’empowerment qui « fait référence au niveau de choix, de décision, d’influence et de contrôle que les usagers des services de santé peuvent exercer sur les événements de leur vie » (Nina Wallerstein) est une notion fondamentale en réhabilitation psychosociale ». C’est donc « main dans la main » qu’usager, proches et professionnels, avancent ensemble dans un but commun : le rétablissement de l’usager.

Quelles sont les approches mobilisées dans le champ de la réhabilitation psychosociale ?

Dans un premier temps, l’approche fondamentale et primordiale est le diagnostic de réhabilitation psychosociale. Il permettra d’évaluer les besoins, les problèmes, les ressources des personnes et de définir, avec l’usager, le parcours de réhabilitation psychosociale à mettre en œuvre. Différents champs d’évaluations peuvent être proposés tels que l’évaluation de l’autonomie sociale, de la conscience des troubles de la maladie (insight), de la qualité de vie, de l’estime de soi … L’évaluation a lieu au début et tout au long du parcours. Une synthèse de ce diagnostic de réhabilitation sera effectuée avec l’usager et des objectifs seront ciblés.

Dans un second temps, l’usager bénéficiera tout au long de sa prise en charge, avec son accord, d’une ou plusieurs approches, en lien avec les objectifs visés. À ce jour, il n’y a pas d’étude stipulant par quelle approche débuter le parcours de réhabilitation. L’important est de partir des besoins et des souhaits de prise en charge de l’usager afin de développer une accroche, une alliance thérapeutique. Il n’est pas rare, pour de jeunes usagers qui présentent un déni de leurs troubles, de proposer des stratégies spécifiques comme la remédiation cognitive ou l’entrainement aux habiletés sociales utilisant le sport comme support de médiation. Mais chaque usager est différent de par sa pathologie, sa symptomatologie et ses difficultés. Par conséquent, chaque prise en charge est différente.

Nous avons pris le parti de pointer trois approches : l’Éducation Thérapeutique du Patient, la remédiation cognitive et l’entrainement aux habiletés sociales.

  • L’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP)

Jean-Marie Revillot, dans son ouvrage manuel d’Éducation Thérapeutique du Patient de 2016, apporte un éclairage sur la définition de l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP). Il présente l’ETP comme un modèle s’appuyant « sur une conception biopsychosociale de la santé centrée sur les soins où l’éducation thérapeutique est au cœur de cette conception pour développer le processus d’observance, le coping, l’alliance avec le patient ainsi que l’intégration d’un savoir-faire à partir de procédures de soins. Cette conception permet au patient de se constituer comme sujet parce que l’urgence vitale est gérée et qu’il s’agit alors de construire un projet de soin avec lui ». Partant des modèles de santé (modèle biomédical centré sur la maladie, modèle biopsychosocial centré sur le bien-être, modèle biopsychosocial centré sur le développement), Jean-Marie Revillot propose une hétérogénéité des approches modélisées par trois champs d’interventions : l’intervention comportementaliste centrée sur les connaissances et les acquisitions, l’intervention constructiviste centrée sur la connaissance de soi du patient et l’intervention socioconstructiviste centrée sur les potentialités du groupe. En fonction de l’approche, l’ETP travaille des visées différentes et la pédagogie diverge. La position du patient évolue au fur et à mesure du processus d’éducation passant d’objet de soin (modèle biomédical) à co-créateur (modèle biopsychosocial) à sujet dans sa vie (modèle biopsychosocial développemental). Dans cette dernière visée, on est proche des conceptions exposées sur la réhabilitation psychosociale. L’ETP ne peut que se situer dans une notion plurielle celle d’enseigner, de former, nourrir, développer des capacités, accompagner le patient dans la construction d’un projet de soin, d’un projet de vie dans un processus de changement.

La Haute Autorité de Santé (HAS) propose une planification de l’ETP en 4 étapes avec l’élaboration d’un diagnostic éducatif, la définition d’un programme d’éducation thérapeutique du patient avec des priorités d’apprentissage, la planification et la mise en œuvre des séances d’éducation thérapeutique du patient en groupe et/ou en individuel, ainsi que la réalisation d’une évaluation des compétences acquises et du déroulement du programme. L’ETP est encadrée par des injonctions législatives décrivant les compétences à acquérir et à valider pour dispenser l’ETP et pour coordonner et accompagner les équipes ainsi les programmes à mettre en œuvre ratifiés par les Agences Régionales de Santé.

  • La remédiation cognitive

La remédiation cognitive est définie par le Professeur Nicolas Franck comme « un ensemble des techniques rééducatives visant à restaurer les fonctions cognitives défaillantes (mémoire, attention, fonction exécutive, cognition sociale). Son efficacité ayant été démontré (Wykes et al, 2011) par une amélioration des fonctions déficitaires, de la symptomatologie, de l’estime de soi, de l’adaptation sociale et de la réinsertion professionnelle.

Selon différentes études (Heinrichs et Zakzanis, 1998, Aleman et al, 1999), 70 à 80% des patients souffrant de schizophrénie, présentent des troubles cognitifs. Il n’est pas rare d’entendre un usager rapporter ces difficultés : « avant j’arrivais à réfléchir, je faisais des études, c’était facile. Maintenant, je n’y arrive plus, c’est trop difficile, j’ai même du mal à lire alors que j’adore ça » ; « je ne sors plus avec mes amis. Avant, nous allions boire un café. Depuis que je suis malade, j’y suis allé plusieurs fois mais il m’est impossible de suivre la conversation. J’ai plusieurs fois répondu à côté, cela me mettait trop dans des situations déstabilisantes, je n’y vais plus ». Les troubles cognitifs associés aux symptômes ont pour conséquences un isolement social et une baisse de l’estime de soi.

Avant de débuter une prise en charge en remédiation cognitive, en préambule, il est nécessaire d’effectuer un bilan neuropsychologique. Ce bilan permet de dégager le profil cognitif de chaque usager en pointant leurs points faibles et leurs points forts. Différents outils individuels ou groupaux, ayant fait l’objet de validation scientifique, existent. La remédiation cognitive s’appuie sur le développement, par l’usager, de stratégies alternatives permettant de contourner une difficulté, un apprentissage sans erreur et une valorisation tout au long de la prise en charge. Il est proposé à l’usager des tâches à effectuer à domicile lui permettant de mettre en œuvre des stratégies spécifiques.

Il est également possible de mettre en place de la remédiation cognitive en milieu écologique c’est-à-dire directement dans la vie quotidienne de l’usager comme par exemple, lorsque l’usager prend les transports en commun, effectuer ses courses, un repas. L’idée étant de l’observer dans ces tâches de la vie quotidienne qu’il juge difficiles et ensuite, pouvoir le faire verbaliser une stratégie alternative lui permettant de contourner une difficulté et ensuite qu’il puisse la tester pour voir si elle est plus efficace.

  • L’Entraînement aux Habiletés Sociales (l’EHS)

Jérôme Favrod et Lucien Barrelet définissent les habilités sociales comme « des comportements verbaux et non-verbaux résultant de processus cognitifs et affectifs qui permettent de s’ajuster à la vie dans la communauté. C’est l’ensemble des capacités spécifiques qui nous permettent de répondre à une situation sociale de façon jugée compétente ». Il existe trois habiletés sociales.

Les habiletés réceptives sont les capacités à percevoir et à comprendre les différents paramètres d’une interaction sociale, les habiletés décisionnelles sont les capacités à trouver une réponse appropriée à une situation sociale donnée après avoir envisagé les alternatives possibles et les conséquences de celles-ci, les habiletés émettrices sont les capacités à adopter une réponse comportementale adaptée (verbal et non-verbal : posture, ton, mimiques…).

Différents outils d’entraînement aux habiletés sociales existent et améliorent spécifiquement les habiletés travaillées. L’EHS permet une amélioration du fonctionnement social de l’usager, une atténuation du stress, un sentiment d’efficacité personnelle, développe la confiance et l’estime de soi.

En résumé

La réhabilitation psychosociale vise à faciliter la restauration d’un niveau optimal de fonctionnement dans la communauté de l’usager en le mettant au cœur du dispositif. Le processus met l’accent sur la globalité de la personne en cherchant à fournir la prise en charge nécessaire à l’adaptation en matière d’emploi, de résidence, d’éducation et de croissance personnelle.

Cette pratique nécessite d’une part, pour les professionnels du sanitaire et médicosocial, impliqués dans les différentes étapes du parcours de réhabilitation psychosociale, la maîtrise de ce concept, des outils d’évaluation et des outils de prise en charge. D’autre part, cela requiert une étroite collaboration et une importante coordination entre les différents acteurs, dans chacune des étapes du parcours de réhabilitation psychosociale mis en place ou à mettre en place.

Au final, la réhabilitation psychosociale permettra de tendre, pour les usagers, vers un rétablissement qui est, défini par Nathalie Lagueux comme « un processus unique débutant là où la personne décide de ne plus donner à la maladie le pouvoir de contrôler toute sa vie. C’est la redécouverte de soi, de ses capacités et de ses rêves tout en se donnant de nouvelles possibilités, et cela, avec ou sans la présence de limites et de symptômes engendrés par la maladie mentale. C’est l’espoir d’une vie meilleure ».

Auteur : Guillaume SAUCOURT

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