Les projets pilotes PAERPA : vivre chez soi
6 novembre 2013
Les projets pilotes PAERPA : vivre chez soi
Freud, lui, décrit un sentiment angoissant comme la Unheimlichkeit, « l’inquiétante étrangeté » (étymologiquement la perte du foyer), consistant dans le fait de ne plus se sentir dans une relation de confiance ou de familiarité avec son environnement. Il y a dans la relation au foyer une forme d’attachement implicite structurant et contenant pour la personne.
En ce sens, il est possible de concevoir que l’attachement au foyer aide à la personnalisation de l’être, et en conséquence l’arrachement de son foyer participe à sa dépersonnalisation, résultat de troubles d’ordres différents.
Vivre chez soi est un désir profond qui vient à l’appui de ce désir primordial des personnes âgées : demeurer soi-même, en dépit du temps.
Le cadre de vie des personnes âgées se situe également au-delà du domicile. Ainsi le voisinage, le maintien du lien social, les services et les commerces de proximité réduisent les difficultés de la vie quotidienne. Dans ce cadre élargi, nous pouvons comprendre que le risque de perte d’autonomie des personnes âgées est aussi en fonction de l’environnement matériel, social et des acteurs de santé de proximité.
LES MAILLONS DU VIVRE CHEZ-SOI
Les récentes évolutions font de plus en plus du domicile un lieu de soins, de consultation mais aussi d’hospitalisation. L’hôpital est le lieu technique où le séjour doit être le plus court possible et où le risque de perte d’autonomie iatrogène doit être pris en considération avec une attention particulière, pour permettre à la personne âgée de rentrer chez elle.
Des études montrent combien un séjour prolongé en hospitalisation complète, voire des prises en charge inadaptées, peuvent participer à la perte des capacités d’autonomie des patients.
Les acteurs des établissements de santé ont ainsi pour mission d’améliorer la situation de la personne âgée, de participer à la prévention du risque de perte d’autonomie, d’initier une réhabilitation et une réadaptation lui permettant une vie chez-soi. Ils sont des maillons forts du vivre chez-soi.
Les soins techniques et cliniques « CURE » doivent être clairement identifiés et ne doivent pas être pensés indépendamment des autres soins.
D’une part, parce que la majorité des personnes très âgées en perte d’autonomie souffre de plusieurs maladies. Et d’autre part, parce qu’il y a des soins, distincts des soins cliniques et techniques, qu’on peut appeler des soins d’entretien de la vie relevant du « CARE » et dont le but n’est pas de guérir ou stabiliser une maladie, mais de maintenir l’autonomie ou de suppléer la perte d’autonomie, voire de restaurer des capacités.
En conséquence, il est nécessaire d’aborder le sujet de la perte d’autonomie en insistant sur la continuité des différents modes de prise en charge des soins requis par la situation de la personne (soins cliniques et techniques, soins d’entretien, et autres interventions de compensation de la perte d’autonomie).
Ainsi, les différents besoins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, sanitaires et sociaux, soignants et non soignants, s’expriment tout au long de leur « trajet de santé ».
BIEN SOIGNER UNE PERSONNE ÂGÉE, C’EST PARTICIPER À PRÉVENIR OU À RETARDER LA PERTE DE L’AUTONOMIE
L’avancée dans le grand âge et la survenue de la fragilité se doit d’être un point de vigilance.
L’âge en soi n’est pas un marqueur, l’apparition des premiers signes de fragilité est variable selon les personnes, c’est dans les années qui précèdent que le médecin traitant se doit d’établir un suivi personnalisé.
Aux problématiques liées à l’état de santé s’ajoutent celles qui tiennent à la fragilité globale de l’organisme, à l’environnement du domicile et à l’environnement social.
L’isolement social, voire un logement inadapté, majorent le risque de passage dans la perte d’autonomie.
Il est donc nécessaire de penser la fonction de prévention de la perte d’autonomie que doit remplir notre système de soins.
La fonction de prévention s’entend dans un sens large, et met en jeu différents éléments de notre système de soins, comme par exemple la surveillance médicale ou infirmière à domicile, l’éducation à la prévention des chutes, la prévention de la dénutrition, la prévention de la iatrogénie médicamenteuse, entre autres.
Le HCAAM (Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie) à l’issue de son analyse, met en avant l’idée essentielle que « la perte d’autonomie de la personne âgée, bien que distincte de la maladie au sens strict, ne peut pas se traiter « à part » du trajet de santé de cette personne, ni même « à part » de la prise en charge de la santé de ses proches aidants familiaux ».
Il préconise le développement d’une organisation du système de soins qui permette de prévenir ou de différer l’apparition de la perte d’autonomie au grand âge.
LA NAISSANCE DES PROJETS PILOTES PAERPA
Le « Comité national de pilotage des parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie » a été installé en avril dernier, et les projets pilotes ont démarré en septembre 2013.
La notion de Personnes Agées En Risque de Perte d’Autonomie est comprise comme l’ensemble des personnes de 75 ans et plus pouvant être encore autonomes mais dont l’état de santé est susceptible de se dégrader pour des raisons d’ordre social et/ou médical.
La définition des besoins des Personnes Agées En Risque de Perte d’Autonomie (PAERPA) a servi de fil conducteur aux travaux du comité. Les projets retenus ont pour objectif d’inscrire à chaque étape du parcours de santé de la personne âgée une démarche de prévention des facteurs de risques de la perte d’autonomie et aussi de répondre aux besoins des aidants.
« Ces personnes doivent pouvoir bénéficier de la bonne prise en charge et du bon accompagnement, au bon moment, par les bons professionnels, disposant de la bonne information ».
« Les projets pilotes ont pour objectifs d’accroître la pertinence et la qualité des soins et des aides dont bénéficient les personnes âgées et d’améliorer ainsi sur un plan individuel, leur qualité de vie et celles de leurs aidants, et sur un plan collectif, l’efficience de leur accompagnement dans une logique de parcours de santé ».
L’accroissement des réponses aux besoins de ces personnes doit permettre de prévenir la dépendance et l’aggravation des problèmes de santé, de maintenir et de soutenir la personne à son domicile, et de ne recourir à l’hospitalisation que lorsque la personne âgée a besoin des compétences hospitalières.
Le programme propose donc d’améliorer la prise en charge, l’accompagnement et la coordination des professionnels intervenants auprès des personnes âgées sur les territoires pilotes : en ville, dans les établissements sanitaires et médico-sociaux dans une logique de parcours.
En ville, l’objectif est de formaliser la mobilisation des acteurs de proximité au plus près des personnes âgées et au plus tôt dans le parcours par la mise en œuvre de la Coordination Clinique de Proximité (CCP), réunissant autour du médecin traitant : un infirmier libéral ou coordonnateur de SSIAD, un pharmacien et, selon les besoins, un masseur-kinésithérapeute.
Ils formaliseront un Plan Personnalisé de Santé (PPS) comprenant les aides et les soins, dont l’éducation thérapeutique personnalisée.
Le recours à l’expertise gériatrique est optimisé par le rapprochement des différents dispositifs de coordination et d’intégration dans le cadre de la Coordination Territoriale d’Appui (CTA) sur un territoire plus large que la CCP, s’appuyant sur des systèmes existants : CLIC, réseaux, MAIA.
Pour les établissements de santé, il s’agit d’améliorer la prise en charge des personnes âgées par le repérage et l’évaluation des besoins des personnes âgées, notamment en médecine et en chirurgie, et la mise en œuvre des référentiels de bonnes pratiques.
D’autre part, l’amélioration de la transition ville-hôpital est un enjeu essentiel.
Pour ce faire, les professionnels doivent s’organiser pour la préparation de la sortie en amont et l’organisation des relations avec les partenaires des parcours, favorisant ainsi le retour à domicile dans de bonnes conditions notamment par l’échange des informations et la mise en œuvre d’actions permettant de prévenir le risque de réhospitalisations évitables.
Pour les EHPAD, il s’agit de participer à ces dispositifs en mettant en place les projets de vie personnalisés des résidents et en les actualisant chaque fois que nécessaire, en réactivant les conventions de partenariat avec les établissements sanitaires, et en optimisant les échanges d’informations permettant la transition EHPAD/hôpital dans de bonnes conditions.
L’amélioration du parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, nécessite également la mise en place d’un système d’information afin de développer la coordination des acteurs.
L’ASIP Santé réalise la construction d’outils informatiques conformément aux exigences réglementaires.
Ainsi différents outils informatiques seront opérationnels tels que : un répertoire des ressources (ROR), une messagerie sécurisée, le Dossier Pharmaceutique (DP), le Dossier médical Personnel (DMP) et disponibles en accord avec la personne âgée.
Face à ces dispositions, il s’agit d’accompagner l’adaptation des pratiques des professionnels à la logique de parcours et à la mise en pratique des coordinations et documents conçus dans une logique de passage à témoin.
À ce titre, la formation et l’accompagnement des projets, permettront aux différents acteurs de s’approprier ce modèle organisationnel et de faire évoluer les pratiques professionnelles pour atteindre les objectifs des projets pilotes et leur essaimage.
Auteur : Corinne DEMAISON