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Éthique es-tu là ? : la place de l’éthique à l’hôpital

30 octobre 2012
Éthique es-tu là ? : la place de l’éthique à l’hôpital

Qu’est-ce que l’éthique et en quoi s’impose-t-elle dans nos conduites de vie ?

L’éthique du grec « ethos » qui signifie mœurs et coutume, correspond à cette dimension philosophique qui réinterroge nos actes dans leur impact sur autrui : « Cette action est-elle bonne et juste, pour l’autre ? ».

« Ethos » en grec, et « mores » en latin ont la même signification. Pourtant, aujourd’hui la morale, a perdu de son aura. Elle se meurt, comme se meurt le pouvoir de la plupart des religions pour guider nos vies, ou des grandes idées comme le marxisme : «nous sommes dans la mort des idéologies et des utopies »[1]. Mais, les règles, les fondements d’une morale ou d’une religion, s’ils pouvaient laisser peu de place au sentiment de liberté et d’autonomie, étaient aussi des garde-fous puissants, des repères sécurisants. Leur défection laisse la place à plus d’autonomie de liberté, mais ouvre la porte, en même temps, aux doutes, aux peurs de se tromper de ne pas faire le bon choix, de ne pas faire bien… donc «  libre » certes… mai seul et responsable !

Si être moraliste est démodé ou mal vu, avoir une réflexion et une conduite éthiques manifeste une posture humaine voire « sage ».

Ainsi, telle Antigone[2], face à la loi de Créon, nous vivons des dilemmes éthiques.

Du dépassement de la vitesse autorisée, sur les routes, qui peut mettre en risque sa vie, ou celle d’autrui, à l’impact, de certaines décisions pour nos enfants, voire pour nos parents qu’en nous sommes amenés à décider pour eux. Chaque fois nous devons interroger les conséquences de nos décisions ou de nos conduites. Face à, ou, pour autrui : cette décision est-elle bonne, est-elle juste ? 

De l’éthique, « aux éthiques » 

Au-delà du questionnement éthique auquel chacun de nous peut-être confronté dans sa vie, l’éthique se décline, aujourd’hui, en Déontologies et en Éthiques Appliquées : déontologie professionnelle, bioéthique…

L’éthique s’est même introduite dans l’entreprise pour prévenir, ou contrecarrer, les nuisances que la recherche de profits, peut avoir sur les parties prenantes, dont ses employés. Comme le montrent différentes études, les réflexions éthiques des entreprises portent essentiellement sur les partenaires (dont la relation avec les clients) et les parties prenantes externes.[3] Ainsi, bien souvent apparaissent des « codes éthiques », dans une recherche d’image, ou dans le cadre d’une stratégie marketing, on parle même de « markéthique ».

Toutefois, différentes publications montrent qu’une réelle interrogation se crée autour de la place qu’elle pourrait occuper dans l’entreprise : quels sont les domaines couverts par l’éthique d’entreprise ? Est-elle un élément de notoriété de l’entreprise à usage externe ? Permet-elle de créer un consensus social à l’intérieur de l’entreprise ? Peut-elle accéder au statut de nouvel art de management ?[4]

Dans un contexte économique difficile, alors qu’arrivent sur le monde du travail de jeunes professionnels (génération Y) avec des valeurs au travail différentes des générations précédentes, il semble que l’éthique managériale soit un levier majeur de la performance managériale, globale et durable des entreprises et des organisations.

Loréa Hirièche a réalisé un recensement de différents écrits montrant l’influence positive que le comportement éthique des managers exerce sur le comportement de leurs subordonnés. Elle aboutit à cette conclusion : « les leaders qui se comportent de façon éthique augmentent significativement les perceptions par leurs subordonnés qu’ils sont traités avec justice, ce qui, à son tour, renforce l’engagement organisationnel et la confiance des subordonnés dans leur leader et, par là, favorise la coopération et le comportement citoyen des salariés, ce qui, au bout du compte, peut améliorer la performance de l’entreprise. »

Qu’en est-il de l’éthique à l’hôpital ?

L’hôpital est-il une entreprise ? Oui pour certains s’il s’agit de concevoir l’entreprise dans son acception de lieu où on « entreprend», non, pour d’autres, car cela ne peut être un lieu de recherche de profit économique. Il est un lieu, où on est et doit rester centré sur l’humain, dans l’accueil et le respect de la fragilité[5], comme dimension fondamentale de tout être humain.

La pression gestionnaire prend, aujourd’hui à l’hôpital, une place énorme, déstabilisant un grand nombre de professionnels médicaux et paramédicaux. Ils se retrouvent confrontés à un conflit de valeurs, entre ce qui a construit leur vocation, qui a motivé leur choix pour cette profession à l’hôpital, et les demandes et pressions pour aller vers des soins non seulement efficients, mais rentables.

Perte de repères, choix décisionnel confrontant coût et résultats espérés, mais aussi accompagnement de professionnels chez qui il est indispensable de conserver la vocation première, voire leur permettre de la laisser pleinement s’épanouir, caractérisent le contexte actuel que les managers ont à appréhender. Le maintien du lien avec la profonde humanité, inscrite dans le colloque singulier, reste l’essence du soin quelque que soit le développement technique et technologique mis en œuvre pour combattre la maladie.

Ainsi, intégrer ou se réapproprier une réflexion éthique à l’hôpital est un enjeu majeur pour l’hôpital d’aujourd’hui et demain.

Quels sont les leviers et outils d’une éthique managériale à l’hôpital ?

L’éthique est un espace où tous les acteurs, les professionnels de l’hôpital peuvent se retrouver, pour poser, confronter, faire vivre des valeurs fortes et fédératrices.

L’éthique managériale est cette boussole, indispensable, qui questionne et ramène toujours au SENS, pour toujours plus d’humanité.

Nous identifions trois axes forts pour inscrire pleinement l’éthique managériale à l’hôpital :

  • Un projet managérial qui pose des valeurs managériales partagées et les décline en principes de fonctionnement,
  • Des « comités éthiques en management » instaurant un lieu de réflexion, de partage et d’analyse des pratiques managériales et des dilemmes éthiques posés par la fonction,
  • La formation et le coaching pour développer un leadership éthique.

Le projet managérial : des valeurs managériales aux principes de fonctionnement

Aujourd’hui, on retrouve dans la plupart des projets formalisés, la référence faite à des valeurs : projet d’établissement et médical, projet de soins, projet social, projet de pôle… Mais, ces valeurs posées, restent ainsi éclatées dans différents projets et font très rarement l’objet d’un consensus.

De plus, ce n’est qu’exceptionnellement que ces valeurs sont explicitées et traduites en règles ou principes de fonctionnement. Or la valeur, aussi belle soit-elle, reste un vœu pieux si elle ne donne pas naissance à des principes de fonctionnement, repères et guides, aussi bien pour les grandes décisions à prendre que pour celles, d’apparence plus modestes, qui font le quotidien du manager.

Le projet managérial, introduit par le rapport de Chantal de Singly, peut être une opportunité pour penser et partager les valeurs managériales sur lesquelles, directions et encadrement peuvent inscrire leur modèle de management. La déclinaison, de ces valeurs en principes de fonctionnement opérationnels, devient, alors, un référentiel collectif et partagé de pratiques managériales.

Des « Comités éthique management » et/ou des lieux de partage et analyse des pratiques managériales

A l’instar des comités éthiques, qui se déploient dans les hôpitaux, pour aider la prise de décision dans des situations cliniques sensibles et complexes, on peut imaginer la création d’instances similaires pour les managers. Ces « comités éthiques » réuniraient managers (gestionnaires, médicaux et paramédicaux…) et philosophes, membres d’association des usagers… Ces instances peuvent être un lieu d’analyse de certaines décisions importantes et de certaines pratiques managériales. On peut concevoir pour étudier ces situations managériales complexes, un transfert et une adaptation de la démarche déjà mise en œuvre dans les comités éthiques. Il pourrait être, aussi, un lieu de réflexion sur les valeurs fondamentales déclinées en principes de fonctionnement afin de les faire évoluer en regard des situations critiques rencontrées.

La formation et le coaching pour développer un leadership éthique

A côté de cette démarche collégiale et institutionnelle, chaque manager a à appréhender individuellement la dimension éthique du management, à développer une posture éthique et un leadership éthique. La formation permet de découvrir, d’enrichir ses connaissances, d’acquérir des savoir-faire pour instaurer et/ou consolider la mise en œuvre d’une démarche éthique, à la fois pour le manager lui-même, mais aussi avec l’équipe.

Le coaching favorise lui, le travail réflexif, la prise de recul, l’interrogation toujours nécessaire sur soi, sa posture et ses impacts sur les agents. Il aide à élever son regard du « contenu » de la situation, au « processus » mis en œuvre et surtout aide à reposer toujours le Sens. Et c’est bien accéder au SENS des choix, des décisions et des pratiques, qu’amène l’éthique.

C’est dans l’accompagnement de ces trois dimensions que Le GRIEPS a conçu différentes formations et coaching dans un souci permanent de décloisonnement, de cohérence, de fluidité et d’adaptation à un monde qui bouge, qui bouge très vite.


[1] S. Rameix, Fondements philosophiques de l’éthique médicale, ellipses, Sciences humaines en médecine, 2007.

[2] Tragédie grecque de Sophocle, environ 440 avant JC

[3] D. Belet, Z. Yanat, in «L’éthique managériale : responsabilité sociale et enjeu de performance durable pour l’entreprise », 2004

[4] S. Mercier, « Une contribution à la politique de formalisation de l’éthique dans les grandes entreprises », Thèse de sciences de gestion, Université Paris-IX Dauphine.

[5] E.Hirsch, « L’hospitalité : une éthique du soin », Fondapol, fondation pour l’innovation politique, décembre 2011, Samuel Rouvillois, l’homme fragile Ephèse éditions, 2009

Auteur : Marie-Claude MIREMONT

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