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La posture éducative, comment évaluer son apprentissage ?

10 février 2022
La posture éducative, comment évaluer son apprentissage ?

Alignement pédagogique

Comment définir la posture éducative ?

La posture éducative est une compétence significative à construire en formation IPA[1]. Il est attendu de ces professionnels[2] qu’ils participent, avec un patient et avec une équipe pluridisciplinaire, à l’élaboration d’un diagnostic clinique voire éducatif afin d’envisager des objectifs visant un soulagement et état d’être convenu.

La posture éducative convoque deux grands modèles mécaniciste et humaniste à la fois contradictoires et complémentaires. En effet, le premier fait appel à une approche biomédicale de la santé : un symptôme/un diagnostic/un traitement. L’autre modèle envisage l’individu, la maladie au sein d’une histoire de vie dans laquelle le soignant interviendrait à un moment donné pour soutenir le projet de vie du patient qui reste libre et responsable de son existence.

Dans la première approche, le soignant sait pour l’autre, car il a construit des connaissances et des compétences sur ce qui concerne la santé de l’autre. Dans ce cas, le patient est agent[3] passif, attentiste voire un peu acteur, car il peut avoir son mot à dire dans son processus de santé. Dans le second cas, c’est le patient qui sait pour lui. Ici, ce dernier est valorisé et encouragé par le soignant, à défendre ses droits d’auteur de sa vie.

Comment évaluer l’acquisition de la posture éducative ?

Si la posture clinique ne se vit que dans la ou les rencontre(s) afin de convenir d’un diagnostic ou bilan partagé, comment évaluer cette posture en situation-école ? Quelles modalités évaluatives valideraient l’objectif d’apprentissage ? En clair, comment rester cohérent et aligné[4] ?

Pour construire mon évaluation, je suis retournée vers l’objectif d’apprentissage et son sens et ai décliné trois points d’étape.

1° La sélection du message fort : l’essentiel à faire passer, l’essentiel à évaluer

La priorisation des essentiels dans son cours est un savoir-faire exigent et plus difficile qu’on ne le croit. En tant que formateur, nous avons souvent un plan, un contenu mais c’est bien difficile que de savoir énoncer en deux ou trois phrases le message fort et puissant du contenu. Plus on rétrécit, plus on concentre ! (C’est le principe de « Ma thèse en 180 secondes ». Pour ma part, j’aimerais que les étudiants retiennent que la démarche éducative ne peut se faire que dans la rencontre. Pas de recherche de validation de ses hypothèses de jugements cliniques, pas de co-construction des objectifs, de co-détermination de moyens, voire même pas de co-définitions des indicateurs de résultat et de processus signifient qu’il n’y a pas de posture éducative.

2° La construction de la grille d’évaluation

  • Objet : Activité d’analyse, de création et de réinvestissement sur le sujet de la posture éducative. Dans cette évaluation, tous les niveaux cognitifs de Bloom[5] sont sollicités.
  • Modalités : Étude d’un cas papier suivi d’un jeu de rôle ; ce dernier laissé à l’initiative des étudiants mais essentiel à la réussite à l’évaluation. En 4 groupes de 5 étudiants.
  • Intentions pédagogiques recherchées : les étudiants doivent incarner la posture éducative. Je donne une situation clinique papier différente pour chaque groupe. Je précise que je suis la personne indiquée sur le cas papier. Les étudiants doivent absolument venir vers moi clarifier leurs hypothèses de jugements clinique. Ils doivent me rencontrer pour convenir avec moi d’objectifs et de moyens qui me soient adaptés. Dans cette évaluation, l’évaluateur est une ressource mobilisable.
  • Règle évaluative : si les étudiants composent des réponses sans être venus vers moi = 0/5.

Discussion

La tentation est grande et le plaisir si facilement gagné quand on trouve tout de suite ce qui concerne l’autre. J’en veux pour preuve que certains étudiants ont énoncé des hypothèses de risque suicidaire, de syndrome dépressif alors qu’il n’en était nullement question de la part du patient dans l’exemple du devoir. Ils ont activé un filtre trop connu, trop souvent mobilisé, appelé système 1[6], système de raisonnement rapide qui fonctionne bien mais pas toujours et qui doit être vérifié par le système 2, plus lent et plus sûr, plus algorithmique.  « Pour moi, cette dame est en syndrome dépressif, pour moi, c’est sûr… ». Il y a eu dans les groupes du conflit sociocognitif : « Moi je ne suis pas d’accord avec cette proposition… ».  La perturbation était-t-elle que les étudiant ont dû m’appeler pour que je joue le rôle du patient. Avec les interactions, ils ont pu tester les hypothèses, rechercher d’autres informations, valider avec moi, ce qui serait bien ou mieux pour moi, entrainer leur flexibilité cognitive, mise en évidence par O. Houdé qui le nomme le système 3[7]. Les questionnements du groupe ont permis de ne pas faire une erreur de raisonnement clinique qu’en position solitaire certains étudiants auraient pu faire : l’erreur nommée « fermeture diagnostic prématurée[8] ». Cette évaluation collaborative a montré aux élèves tout l’intérêt du travail d’exploration clinique pluri professionnel.

systèmes cognitifs

Source

Je conviens qu’il existe des limites à cet exercice comme le nombre d’étudiants par exemple. J’aurais aimé réaliser une métacognition de l’évaluation avec les étudiants. Selon M. Vial[9] « l’évaluation n’est plus aujourd’hui la seule mesure des acquis, elle n’est pas réductible à la vérification des savoirs ; l’évaluation n’est pas la pratique de la notation. Elle ne se restreint pas à des moments identifiables, spécifiques appelés bilans, tests, épreuves avec des objectifs à atteindre et des comportements à obtenir. L’évaluation est ici considérée comme un travail du sujet pour l’échange avec d’autres sujets, engagés dans une situation d’évaluation, eux aussi évaluateurs (on dit qu’ils sont tous des « évaluants »). Il s’agit bien d’une évaluation sur, de ou dans la relation éducative ».

J’aurais aimé que chaque étudiant clinicien repère ses propres stratégies de raisonnement et réalise une métacognition individuelle « Je me rends compte que moi aujourd’hui, j’active le bon script d’emblée (système 1), mais il faut que j’entraine ma flexibilité cognitive (système 3) pour ne pas imposer mes hypothèses aux autres et convenir avec le groupe et le patient d’une représentation fonctionnelle de la situation au plus juste de la situation du patient (système 2) ».

Conclusion

Penser, repenser l’évaluation comme un outil au service des apprentissages est le défi de tout formateur. L’évaluation bimodale (texte et jeu de rôles) et collaborative a testé la posture éducative et par-là même le raisonnement clinique. Avec le texte, les étudiants pouvaient se faire une représentation initiale du problème et avoir un jeu d’hypothèses hiérarchiques. Avec le jeu de rôle, il s’agissait de venir valider ou invalider ces hypothèses jusqu’à une catégorisation suffisante et convenue avec le formateur-patient pour finalement formuler par un jugement clinique. La rencontre a permis l’élaboration des objectifs prioritaires et des moyens pour y arriver. Je reste persuadée que la valeur apprenante de cette évaluation colaborative est la méta cognition individuelle permettant à chaque étudiant de situer ses forces et ses pistes d’amélioration dans sa trajectoire de développement de compétences.

 
[1] Infirmier en pratique avancée
[2] Entendre masculin/féminin
[4]  Biggs et Tang, (2003) Daele et Berthiaume, (2013) Alignement pédagogique d’une Ingénierie de formation
[6] Kahneman D. (2011) Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée, Clés de Champs
[7] Houdé O. (2014) Apprendre à résister, le Pommier
[8] Voir les 6 difficultés du raisonnement clinique qui sont   :  « 1°  difficulté à se faire une représentation initiale du problème, 2° difficulté à générer des hypothèses, ne voit pas les éléments clés- pas d’orientation de recherche ciblée, 3° Fermeture diagnostique prématurée, 4° difficulté de priorisation, ne teste pas ses hypothèses, 5° difficulté à se faire un portait global de la situation et à énoncer le jugement clinique et 6° difficulté à élaborer un plan d’intervention » : Audétat et al 2012Audetat, M.C., Laurin, S., & Sanche, G. (2011b). Aborder le raisonnement clinique du point de vue pédagogique II. Les difficultés de raisonnement clinique à l’étape du recueil initial des données et de la génération d’hypothèses. Pédagogie Médicale, 12(4), 231-236
[9] Vial, M. (2005) Modèles de l’évaluation et formation des professionnels de la Santé. Colloque international AFREES.     http://www.michelvial.com/boite_01_05/2005-Modeles_de_l_evaluation_et_formation_des_professionnels_de_la_Sante.pdf

 

Auteur : Hélène BELOU – Formatrice consultante au GRIEPS

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