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2020 : Des conceptions aux modèles de soins

15 janvier 2020
2020 : Des conceptions aux modèles de soins

« Parler de soi afin que l’autre puisse disposer à son tour d’un champ où parler de lui. C’est pour ne pas parler de soi que l’on court à ce point le risque de céder à l’attrait du parler sur l’autre ». – Imbert, 1985, p. 360

À l’appui de cette citation, notre intention en cette année du personnel infirmier et des sages-femmes, est d’initier une réflexion sur les pratiques de soin et la place de soi dans son rapport à l’individu «  malade », être de besoin en demande d’aide.

Les modèles conceptuels en soin centrés sur les besoins se sont construits à partir de 1952 en lien avec les courants dominants de l’époque. Le béhaviorisme, sur lequel s’est appuyé V. Henderson quand elle a fondé son modèle des 14 besoins, se fondait essentiellement sur le fonctionnement physiologique. D’autres modèles (Peplau, Rogers..) ont davantage pris appui sur une dimension psychologique et motivationnelle des besoins en référence à A. Maslow (1941) et sa hiérarchisation : besoin de maintien de la vie, besoin sécurité, besoin d’appartenance, besoin d’estime de soi et besoin d’accomplissement de soi. En 1966, W. Schutz dans une approche plus sociologique parlera de besoins interpersonnels : besoin d’inclusion, besoin de contrôle et besoin d’affection.

Du besoin à la demande de soins

Nous pouvons en déduire que les conceptions liées aux besoins varient en fonction de la priorisation retenue : médicale, psychologique ou sociologique. Ainsi le besoin peut s’apparenter au trouble dans une conception biomédicale ou être davantage relié à la demande du patient dans une conception psychologique ou sociale.

Certains modèles conceptuels en soins infirmiers sont essentiellement centrés sur le besoin « perturbé » du patient s’associant à l’information, la collecte des données (Henderson, 1960, Orem, 1971, Roper, 1976) et plaçant les soins de base au centre de l’activité soignante. La santé est définie comme l’indépendance maximum et le maintien d’un équilibre qui permet à l’être humain de satisfaire tous ses besoins. Les caractéristiques du modèle biomédical sont de ce fait adaptées aux infirmiers, aux professionnels paramédicaux, aux sages-femmes (corriger, réparer, suppléer). Le patient est « assisté » dans ses mouvements sur une ligne continue qui va de la dépendance à l’indépendance et qui a un large écho auprès des soignants. Prégnants dans les instituts de formation en soins infirmiers, ces modèles peuvent être intéressants si le patient souhaite être assisté ou porté dans sa prise en charge mais la demande de soins n’est formulée et entendue qu’au regard de l’indépendance de la personne face à la maladie. Être uniquement centré sur le besoin perturbé peut être objectivant et scinder le sujet (au même titre qu’être centré sur l’organe malade).

D’autres modèles sont davantage orientés vers la demande du patient, ses attentes, ses ressources favorisant le processus de communication et la rencontre avec l’autre. La santé se définit comme la recherche d’un équilibre, jamais atteint pour Peplau (1952), et dynamique pour Rogers (1952). Il s’agit d’un processus en mouvement dont la maladie fait partie qui incarne les différentes façons d’être d’un individu (Leininger, 1981, Parse, 1981, Watson, 1985). La relation a une place centrale dans le soin permettant de répondre à la demande de développement de l’individu vers l’harmonie, le potentiel de croissance, la créativité, qui rappelle le modèle de la santé centrée sur le développement (Revillot, 2016). Dans cette conception, la santé et la maladie sont l’expression d’un processus de vie avec les limites du sujet qu’il s’agira de prendre en compte. La demande peut ouvrir sur des dimensions sociales et culturelles.

La pratique soignante n’a donc rien à voir avec la juxtaposition d’un ensemble de tâches assurant la continuité de la prise en charge et la recherche d’indépendance. « Elle est d’un autre ordre et qui en fait sa valeur unique : être le lieu, l’instance où se garantit que tout besoin trouve à s’énoncer en une demande » (Roquefort, 2000, p.97). Le processus d’éducation ne consiste pas à faire pour l’autre (patient) mais à l’accompagner, le soutenir, l’encourager dans sa demande et son désir et de prendre soin de lui au sens de Hesbeen (2004).

Si les professionnels ont pour intention que le patient advienne au Bien qu’ils imaginent, la pratique consiste en une normalisation, une survalorisation des procédures. S’il encourage à ce que le patient remobilise son projet de vie malgré la maladie, il prône une ouverture au monde qui peut être tellement spécifique qu’elle fera nouveauté.

Aider l’autre, n’est pas répondre à sa place, comme trop souvent nous le faisons dans le milieu soignant, parce que c’est une position facile et évidente. Ne suis-je pas celui qui est sain alors que l’autre est malade ?

Non, aider l’autre, c’est se rendre disponible à ses questions et ouvrir un champ pour que sa réponse advienne comme un écho de son histoire. Alors la démarche éthique qui se dessine et dont le professionnel est le garant, consiste à ne pas céder sur ce à quoi on croit au plus profond de soi. Cela exige un courage extraordinaire ; il s’agit de franchir les menaces, les barrières de l’existence courante et de l’univers institutionnel.

Bibliographie disponible dans l’ouvrage : Pour une éthique du métier de cadre de santé, 2017, REVILLOT  JM, Lamarre

Auteur : Jean-Marie REVILLOT – Formateur, Responsable de la Recherche et du Développement

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