Formateurs : enseigner, accompagner et évaluer avec les intelligences multiples
Comment faire pour que nos interventions pédagogiques deviennent de vrais espaces collaboratifs et créatifs ?
Le grand intérêt de l’approche des intelligences multiples est que l’on s’intéresse avant tout aux ressources, aux forces de l’apprenant et qu’on les utilise pour une vision plus systémique, dynamique et complémentaire de l’apprentissage.
À l’origine de ces intelligences multiples, l’hypothèse de la préférence individuelle dans les façons d’apprendre, de comprendre et de restituer sa compréhension.
Nous avons tous une part de ces 9 intelligences, (les 8 du schéma ci-dessus, ainsi que l’intelligence spirituelle-existentialiste), mais préférons et utilisons davantage certaines par rapport à d’autres. « La préférence » est ce qui nous demande le moins d’effort. Tout ce qui n’est pas de l’ordre de la « préférence » demande des efforts et un coût cognitif plus important.
Que faire pour mobiliser ces différentes intelligences ?
- Imaginer un concept qui serait présenté en cours avec des modalités pédagogiques plurielles, de telle sorte que chacun puisse en avoir une compréhension aisée,
- Imaginer une évaluation qui serait multimodale et permettrait aux étudiants de rendre compte au mieux de leurs apprentissages.
Voyons l’exemple d’un enseignement complexe comme celui du recueil de données au cours duquel le formateur présenterait :
- une analogie avec le monde naturel, végétal et animal, pour que la sensibilité des intelligences naturalistes réalise le transfert évident entre l’écologie et la situation clinique,
- une carte conceptuelle, un schéma qui donne à voir la structure, les liens, pour que les intelligences logicomathématiques en perçoivent les étapes et l’organisation,
- un graphique avec des illustrations commentées, qui présente toutes les grilles de recueil de données possibles pour les intelligences visuelles-spatiales,
- une capsule vidéo qui laisse entendre un dialogue de recueil d’informations pour les intelligences interpersonnelles avec des questions du type : « Dans cette situation de recueil de données, qu’est-ce qui est à prendre en compte ? Qu’est-ce qui est délicat ? Quelles seraient les bonnes manières de faire, à quoi faut-il être vigilant ?… » Une analyse plus fine suivrait sur les sons, le timbre et le rythme des voix de ce dialogue, pour que les intelligences musicales repèrent les émotions et les silences significatifs derrière les mots,
- une rencontre physique avec une personne soignée qui permettrait aux intelligences corporelles-kinesthésiques de toucher, de saisir par le corps comment peut se pour faire un recueil de données (cognition incarnée). Un débriefing suivrait cette démarche inductive,
- des questions amenant à l’introspection pour les intelligences intra personnelles comme : « Comment comprenez-vous cet exercice de recueil de données? Quels en sont les intérêts ? Qu’est-ce qui vous touche ? Quelles qualités personnelles pourriez-vous engager pour traiter cette activité ? Quelles seraient vos forces, vos fragilités ? Comment pensez-vous y remédier ? »,
- une présentation de vignette clinique avec une analyse faisant apparaître les liens, avec des organisateurs textuels comme : « mais, cependant, pour autant, parce que, du fait que… » pour les intelligences verbo-linguistiques,
- sans oublier la présentation du sens, essentiel à l’engagement dans toute activité pédagogique à laquelle, les intelligences spirituelles-existentialistes sont particulièrement attachées. Pour elles, si le sens et les enjeux ne sont pas présentés d’emblée, il ne peut y avoir d’engagement, d’implication et de personnalisation.
Ainsi, face à l’hétérogénéité des étudiants, le prisme des intelligences multiples peut apporter un éclairage nouveau et enrichir les pratiques pédagogiques.
Aujourd’hui, le déterminisme est renversé, l’idée de zones cérébrales figées est chahutée. Ce n’est pas le niveau d’exigence qu’il faut baisser, c’est l’hétérogénéité, fruit des histoires singulières et du contexte social qu’il faut valoriser !
Concrètement, le GRIEPS vous propose des stratégies, des exemples, des méthodes pour varier, donner du souffle, de l’espace, de l’interdépendance, pour que la différence ne soit plus stigmatisante mais devienne richesse, complémentarité et complicité.
C’est dans la différence restituée que réside l’occasion de découvrir d’autres aspects des choses en même temps, de se rencontrer soi-même – se rencontrer selon P. Ricœur « soi-même comme un autre ».
Eléments de bibliographie :
- Gardner H., 1997. Les formes de l’intelligence (traduction française de Frames of Mind : The Theory of Multiple Intelligence, édité en 1983 et réédité en 1993), Paris, Odile Jacob, 475 p.