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2020, Être infirmier(ère) en psychiatrie : un hymne à la créativité au service des médiations thérapeutiques et éducatives

13 avril 2020
2020, Être infirmier(ère) en psychiatrie : un hymne à la créativité au service des médiations thérapeutiques et éducatives

Prenons l’exemple des médiations ou ateliers thérapeutiques (éducatifs) dans le domaine de la psychiatrie ! À ce titre, nous souhaiterions rendre hommage à tous ces soignants(es) exerçant dans le champ de la psychiatrie et de la Santé Mentale, et plus particulièrement les infirmiers(ères). Sans esprit corporatiste, car nous avons conscience que les médiations thérapeutiques ne sont pas l’apanage des infirmiers : bien d’autres professionnels (psychiatres, psychologues, ergothérapeutes, éducateurs, conseillères en ESF, aides-soignants…) contribuent aussi largement à leur enrichissement et à leur singularité. De plus, loin de nous, l’idée de formaliser un référentiel de compétences ou d’exercice professionnel mais bien de témoigner de l’importance de la réflexion clinique et de la créativité des infirmiers(ères), ayant pour ressort le développement de l’autonomie et de la qualité de vie des personnes souffrant de troubles psychiques. Rappelons le sens profond du soin psychique appuyé en cela par l’article Article R. 4311-2, relatif aux parties IV et V du Code de Santé Public « Les soins infirmiers ont pour objet de protéger, maintenir, restaurer et promouvoir la santé physique et mentale des personnes ou l’autonomie de leurs fonctions physiques en vue de leur maintien, leur insertion ou leur réinsertion dans le cadre familial ou social ».

Depuis fort longtemps, nombre de professionnels intervenant auprès des personnes souffrant de troubles psychiques se sont posé ces questions essentielles : comment entrer en relation avec eux ? Que faire pour les aider à mieux « relationner » ? Qu’est-ce qui pourrait les apaiser ? Comment aider à recouvrer une estime de soi ? Comment les aider à mieux vivre « socialement » ? D’aucuns ont eu l’intuition que des médiations à la relation étaient précieuses pour répondre à en partie cela et pour amorcer le soin psychique.

Commençons notre cheminement par l’histoire de Jean Baptiste Pussin et de sa femme Marguerite. Si Pussin est souvent considéré comme le « père » (pair ?) des infirmiers en psychiatrie, c’est bien parce qu’il a ouvert la voie à une humanisation des asiles… Et des soins hospitaliers ! En 1785, il est nommé  gouverneur de Saint-Prix. Il s’occupe, alors, de la subdivision de l’établissement qui accueille aussi bien « mendiants, pauvres, invalides, prisonniers, correctionnaires, infirmes, et insensés ». Sur 4 niveaux vivent, dans une puanteur et des conditions inhumaines, « enfants infirmes, gâteux, idiots, imbéciles et épileptiques. » (D. Friard, 2006). Dès lors, « Pussin et sa femme, Marguerite Jubline, trop souvent oubliée elle aussi de l’histoire, vont rivaliser d’ingéniosité et réussir jour après jour à modifier les conditions de vie des insensés du bâtiment, en l’absence de tout soutien médical et institutionnel »  (B. Villeneuve, GRIEPS, 2020). Prémisses de ce que serait le développement des ateliers thérapeutiques, JB Pussin écrit « un travail modéré et la distraction sont favorables au rétablissement de ces malheureux… ». Sa femme, elle, se démène pour améliorer la vie des insensés. Ainsi, cuisinière émérite et créative, « afin qu’un furieux puisse se calmer alors qu’il s’était saisi d’un couteau, elle l’invite en cuisine à travailler avec elle. Elle lui explique comment s’en servir pour hacher les herbes et se félicite d’avoir une aide pareille. » (D. Friard, 2006). L’art de « relationner » et d’apaiser grâce et avec un support d’expression !  

Cet article est là pour témoigner de l’engagement et du combat des infirmiers(ères) exerçant en psychiatrie au service de l’inclusion des patients au sein de la société ; témoigner aussi de l’extraordinaire créativité autour des médiations ou ateliers thérapeutiques proposés pour soutenir la relation et les interactions sociales. Un voyage qui nous emmène là où les soignants se sont adossés sur leurs passions ou leurs loisirs pour proposer des médiations nouvelles ou innovantes. Petit tour de France, loin d’être exhaustif, de nos rencontres… Allez suivez-nous, le GRIEPS vous emmène au vent !

Notre voyage, au cœur du soin psychique, débute en Martinique, plus particulièrement, sur la Commune du Lamentin. L’équipe soignante de l’Hôpital de Jour, soutenue par l’association Tombolo, a lancé un atelier original… Depuis quelques années, des patients participent à  celui-ci. La « Kafét-participActive », gérée et animée par des usagers, propose un service de restauration rapide (vente de boissons chaudes et don de pâtisseries) à l’intérieur de l’établissement hospitalier. Cette « microentreprise » est un formidable outil d’entraînement aux habiletés sociales et relationnelles. « Dans la perspective d’une plus grande autonomie et insertion, l’équipe travaille actuellement avec les patients à « sortir » cette Kafét de l’institution et à la rendre mobile grâce à un triporteur : il s’agit de créer une Kafét-truck (sur le modèle des « food-truck », ces camions-restaurants équipés de cuisine) » (santé mentale.fr).

En Occitanie, du côté d’Albi, des infirmiers se mobilisent et proposent une activité physique en s’appuyant sur du jeu collectif et plus particulièrement sur le rugby. Des Olympiades ludiques et sportives sont organisées en Bourgogne entre plusieurs établissements, avec l’aide d’étudiants STAPS tandis qu’en Lorraine, des infirmiers ont mis en œuvre un atelier VTT, se laissant au fur et mesure de sa réalisation guider par des patients, jusqu’à entreprendre collectivement un tour de Moselle. D’autres professionnels organisent des activités physiques centrées sur des assouplissements ou des mouvements corporels sur une plage du Sud-Ouest, avec l’Océan « comme dernier terrain vague » !  En Bretagne, du côté de Quimper, des infirmiers, accompagnés par des intervenants qualifiés, instaurent une activé « Escalade » auprès d’enfants suivis en hôpital de Jour.

En Moselle, dans le cadre d’un Centre d’Accueil, des infirmiers ont créé un atelier de rénovation de meubles afin d’aider les patients à retrouver le goût de l’effort, le plaisir de se remettre en action.

Du côté de Langres (Haute Marne), c’est un atelier thérapeutique appelé « Sitelle », destiné à la fabrication de nichoirs et de mangeoires pour oiseaux que nous pouvons tous commander. Sur les contreforts du Forez, à Saint-Etienne (là où l’herbe est plus verte !), des soignants ont aménagé un jardin participatif remarquable, associant jardin d’agrément et jardin potager, permettant ainsi aux patients de s’approprier avec respect les éléments naturels et nutritifs…

Dans les Hautes-Alpes, un atelier de menuiserie ou encore un atelier de reliure permettent aux patients de se sentir exister. Des patients et des professionnels s’y côtoient quotidiennement, redonnant sens à la notion de temporalité, de projet, de coopération, de patience, de création.

Poursuivons notre exploration en nous rendant en Saône et Loire, du côté de Sevrey. Des soignants ont mis en place une activité de médiation animale  « boule de poil ». Des chiens aptes à accueillir le lien avec les patients. Dans la même institution hospitalière, des soignants organisent des séjours thérapeutiques en roulotte avec des chevaux  appartenant à l’établissement.

Dans les Vosges, des infirmières ont conçu des ateliers autour de l’éveil des sens ou encore du toucher massage auprès de personnes atteintes de troubles cognitifs associés à des troubles psychiatriques. Toujours dans le Grand-Est, près de Metz, des infirmiers ont créé un atelier d’écriture dit intersectoriel (ou transversal) où récits et poèmes rivalisent d’audace et de métaphores, avant que tous participent activement au printemps des poètes.

De-ci de-là, des groupes de conversations, d’échanges et de débats ont vu le jour afin de permettre aux patients de s’exprimer sur des sujets locaux ou des sujets de société, leur redonnant ainsi une place de citoyen… Ou l’initiative d’un Centre d’Accueil à Temps Partiel, qui propose aux patients d’organiser un petit-déjeuner et de le partager, chacun apportant sa contribution en apportant pain, confiture, beurre, journal… et partage en commun !

Et que dire quand, dans les Hauts-de-France, des professionnels créent une radio avec des émissions régulières, co-animées avec des usagers et leur entourage ! À l’instar de la pair-aidance qui nous conduit à co-construire et animer ensemble des ateliers thérapeutiques et éducatifs.

Un florilège narratif qui ne rend pas compte de toutes les expériences mais qui nous ouvre le champ des possibles… Ce qui fait lien avec les contenus du certificat « spécialiste en psychiatrie » proposé par le GRIEPS où une place importante est offerte au développement personnel et au rapport possible entre les passions personnelles et ce que l’on peut en faire dans le cadre professionnel. Souvent, les participants évoquent quelque chose de leur histoire, arguant que ce n’est « pas grand-chose »… Pourtant, ce sont souvent ces petits riens qui font un tout, donnant un sens profond à nos engagements personnels et professionnels.

Ainsi, ambitieuse ou non, la médiation relationnelle porte en elle quelque chose de thérapeutique. Elle vise à (re)tisser des liens et de l’affectivité souvent mis à mal par la maladie. Saluons tous ceux qui l’ont compris et qui ne cessent d’inventer au décours de la rencontre avec celui qui souffre de troubles psychiques.

« Creare humanum est » !

JB Pussin et Marguerite Jubline nous ont ouvert la voie de la relation médiatisée. Croyons en la formidable capabilité des infirmiers à (ré)inventer le soin psychique menant vers une meilleure qualité de vie des usagers. C’est assurément ce qui donne sens à notre métier d’infirmier ! Finissons, enfin, avec une citation d’Antoine de Saint Exupéry : «  Le plus beau métier d’Homme est le métier d’unir les hommes… » .

 

Ressources bibliographiques

Auteur : Jean-Michel BOURELLE, formateur consultant au GRIEPS, responsable du domaine Psychiatrie-Santé Mentale

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